Biographie:

1981
Bertrand Cantat (16
ans) et Serge Tessot-Gay (17 ans) se croisent sur les bancs de
leur lycée, à Bordeaux. Pendant les vacances, ils font la
rencontre de Denis Barthe (17 ans). À la rentrée, ils décident
de fonder ensemble un groupe de rock.Denis Barthes:
"Bertrand et serge y pensaient depuis un moment déjà. Ils
m'ont dit qu'ils cherchaient un batteur. Évidemment, je n'avais
jamais touché une batterie de ma vie, mais j'ai menti et ils
m'ont cru".En fait, seul Serge, qui prend des cours de
guitare classique depuis une dizaine d'années, possède de
sérieuses bases musicales: "Lorsque j'ai rencontré
Bertrand et Nini, je me suis senti moins seul. D'un seul coup,
j'avais des copains, des gens qui partageaient mes goûts.
C'était un bol d'oxygène incroyable.".Le trio ne répète
que quelques heures par semaine, au gré des heures laissées
libres par leurs emplois du temps respectif. "À l'époque,
on faisait du rock comme on va jouer au foot. Avec des rêves de
grandeur, mais aussi simplement pour rigoler entre copains. On ne
jouait pas très bien, voire franchement mal pour certains
d'entre nous, mais on s'en foutait.".Les trois loustics sont
inspirés par des musiciens aussi variés que Led Zeplin, les
clash, AC/DC, Neil Young, Dylan, le Gun Club ou les Doors. Ils
revendiquent cependant d'autres influences.Extrait d'une
interview de Noir Désir: "ça n'est pas très facile de
concilier des influences françaises avec une culture musicale
plus anglo-saxonne. Il faut prendre ces contradictions comme des
richesses. Très concrètement, le côté français a développé
souvent chez nous l'aspect expressionniste de l'histoire, le
goût prononcé pour le jeu avec les mots et leur utilisation à
"tiroirs".[…] De diabologum à Miossec, en passant
par Dominique A, les Thugs, Assassin pour le rap, mais aussi
parfois IAM, NTM et même Solar, nous aimons les artistes de tous
poils qui se façonnent en creusant leur identité, leur
personnalité. Une scène française qui puisse laisser exploser
des talents aussi divers, en français et en anglais, voire en
d'autres langues bien sûr, est la meilleure chose qui puisse
arriver".
1982
Très rapidement,
le rock fait indissolublement partie de la vie du trio Bordelais,
et les cadences de travail s'accélèrent. Et déjà les
préoccupations politiques se font jour: "On parlait de
choses qu'on connaissait mal, des problèmes qu'on voyait avec
nos yeux d'ados. Mais malgré cette naïveté, il était
important de dire des choses, de donner des points de
vue".Le nom "Noir Désir" n'est pas venu
spontanément ; il est le fruit d'une lente maturation. De
Psychoz à 6.35 (pendant 2 mois !), et de Station Désir à Noirs
Désirs, l'appellation finalement revêtue se dessine peu à peu.
Le choix définitif n'est d'ailleurs guère apprécié de la
maison de disque en général ni du producteur du premier album
en particulier. Il obtiendra tout de même la suppression du
pluriel. "Un nom qui semble se régénérer à chaque album.
Même après toutes ces années, il ne nous pose aucun
problème".
1983/1984
Décidément, le
groupe se cherche une identité et Bertrand Cantat, en proie à
quelques tourments amoureux, quittera même la bande pendant 6
mois, en 1983, laissant sa place à Ory-Weil, futur manager, pour
mieux y revenir quelque temps après. Sergio et Vincent Leriche,
le premier bassiste, avaient eux-mêmes suivit la même voie un
an auparavant. Mais cette escapade allait, elle, laisser des
traces: le réservé Frédéric Vidalenc, transfuge d'un groupe
local réputé, Dernier Métro, allait devenir le bassiste
attitré du groupe.Voici alors la bande constituée pour de
nombreuses années : Bertrand Cantat chante, Serge Teyssot-Gay
est le guitariste attitré du groupe, Denis Barthe est le
batteur, et Frédéric Vidalenc, le bassiste.Les concerts et les
maquettes se multiplient. "La plupart du temps, c'était des
expériences très frustrantes. Avec les ingénieurs du son, on
ne se comprenait pas. Le choc de deux mondes". Le groupe
refusera même plusieurs propositions de production de singles
"On ne croyait pas que sur deux titres, un groupe comme Noir
Désir pourrait montrer toutes ses facettes. On voulait plus de
place, plus de temps".
1985
Bertrand propose à
Denis de réintégrer Serge dans la formation, et il accepte.La
réputation du groupe est alors excellente et déborde sur tout
le Sud-Ouest. Denis Barthes: "Nos concerts à Bordeaux
attiraient cinq à six cents personnes, il y avait du répondant,
une attente. Les gens disaient que nous avions une énergie, une
âme, et surtout un véritable chanteur, ce qui n'est pas
toujours le cas dans les groupes locaux. Déjà à l'époque,
Bertrand dégageait un truc incroyable sur scène. Les gens
parlaient aussi de nos textes, des messages dans nos chansons. Ce
groupe, ça changeait des histoires de filles, de bagnoles et de
whisky. Bien qu'on ne soit pas forcément passés à côté de
toutes ces choses.".
1987
Ou veux-tu qu'je
r'garde sort en février et Noir Désir part en tournée. 5000
exemplaires sont vendus en deux mois. Barclay pousse un soupir de
soulagement; ce chiffre paraît pourtant aujourd'hui bien modeste
au regard des 200 000 CD vendus depuis.
1988
Devant le succès
rencontré par le mini LP, le contrat avec Barclay est prolongé
pour 3 albums. "Mais il s'est passé des mois complets sans
que rien ne sorte de nos séances de répétition. On jouait cinq
heures par jour et les idées qu'on avait ne valaient pas
grand-chose. C'était assez désespérant. On avait sans doute
peur de passer à l'épreuve du premier véritable album, on se
sentait vides".
1989
Veuillez rendre
l'âme est sur le point de naître. Denis Barthes: "Broudie
[Le producteur - NDW] était extrêmement exigeant. Les prises de
batterie - dix jours à raison de douze heures par jour - ont
donné lieu à des engueulades monumentales. Et mes pauvres mains
ont doublé de volume.".
Mais les efforts
n'ont pas été vains: le tube "Aux sombres héros de
l'amer" est en bonne place au top 50 et l'album est disque
d'or (100 000 ventes) alors que le groupe se refuse, au grand dam
de sa maison de disque, Barclay, à faire sa promotion à la
télévision, malgré un passage chez Deschavanne entre autres.
Décidément pas faciles à manœuvrer, les Noir Désir !Le
groupe part en tournée, et s'attaque à l'Europe de l'est, au
Canada, plus à l'ouest, pour revenir faire 3 dates à l'Olympia
à guichets fermés.
1990
Pour son troisième
album, Noir Désir doit faire face à la pression qui pèse sur
ses épaules (il faut confirmer) et aux tensions dues au choix
délicat d'une coproduction (Phil Délire et Olivier Genty).
" La coproduction n'a pas très bien fonctionné ",
rappelle Serge Teyssot-Gay, " Je crois que ça tenait en
partie aux chansons, dont nous n'étions pas très content, mais
aussi à l'ambiance en studio et à la production. On cherchait
notre second souffle ".Le disque doit affronter quant à lui
l'absence de promotion et de tube, et les critiques des médias
qui après avoir accueilli très positivement "Veuillez
rendre l'âme" montrent une certaine hostilité à l'égard
de "Du ciment sous les plaines". La tournée qui suit
la sortie de l'album est chaotique : alcool, tabac, rythme
effréné… Le groupe a l'impression d'aller " au bout
d'un truc ".Plus grave, des discordances se font jour au
sein du groupe, qui reste "off" pendant un an. Bertrand
Cantat, qui a cédé physiquement et moralement sous la pression,
s'évade en voyageant (Mexique); il avouera plus tard : "
Avant ce voyage, je me sentais vidé. Je ne savais plus si
l'envie de faire du rock allait revenir, je n'étais plus sûr de
rien. ". les autres membres du groupe vaquent aussi, chacun
de leur côté, à leurs occupations ; Frédéric Vidalenc en
profite pour assouvir une passion en phase avec son caractère:
la voile. Serges Teyssot Gay se régénère à la montagne. Denis
Barthes entame une expérience musicale avec Edgar de L'Est.
1991
L'heure de se
remettre au travail a sonné. Cantat prend contact avec le reste
du groupe pour leur proposer de se retrouver et de travailler de
nouveau ensemble. En outre, la maison de disque, Barclay, a
paradoxalement saisi tout l'intérêt que pouvait revêtir pour
elle la relation négative du groupe vis-à-vis de la promotion
et du commerce: les tensions ne vont pas tarder à s'évaporer.
1992
Le quatrième
album, accouché d'un enregistrement plus calme et moins arrosé
qu'à l'accoutumé - en Grande-Bretagne, est celui de la
consécration. 350 000 exemplaires sont vendus en un an. Une
vaste tournée européenne est engagée. Elle ne laissera pas le
groupe indemne. Bertrand Cantat, le chanteur, y abîmera
provisoirement son outil de travail - ses cordes vocales !
Alcool, fumée et tournée font mauvais ménage, selon l'aveu
même de l'intéressé. Et puis il est toujours difficile de
distinguer le psychologique du mécanique.
1993/1994
À l'issue de la
tournée, le groupe entre comme à l'accoutumé dans une phase de
léthargie salvatrice... des fissures affectent la stabilité du
groupe. Chacun prend un grand bol d'oxygène en s'éloignant de
Noir Désir ; Serge Tessot-Gay goûte aux joies de
l'individualisme et fait paraître un album, "Silence
radio", en 1996 (expérience qu'il ne renouvellera pas
depuis). Bertrand Cantat rééduque sa voix en prenant des cours
de chant avant de subir une opération chirurgicale qui le laisse
sans voix pendant plusieurs jours…
1995/1996/1997
Avant chaque
enregistrement, le groupe à l'habitude de faire le point: les
musiciens ont-ils vraiment envie de jouer ensemble ? Sans un tel
"brain storming" les tournées risqueraient d'être
problématique. Cette réflexion voit l'élargissement définitif
des fissures déjà constatées. L'heure de la rupture a sonné
pour le manager, Jean-Marc Gouaux, et pour Frédéric Vidalenc,
le bassiste, qui est remplacé par Jean Paul Roy. Il ne s'agit en
fait pas d'une nouvelle recrue mais d'un ami de longue date. La
bande dans la tourmente, il propose son aide… et reste. S'en
suit une période de flottement et de déconcentration.Restent
donc Bertrand Cantat, Serge Tessoy-Gay, les deux fondateurs,
ainsi que Denis Barthe, revenu de ses escapades solitaires, et le
producteur de Noir Désir depuis 1992, Ted Niceley (déjà
producteur de Fugazy).Après un an passé à mûrir, "666
667 club" est enregistré à la campagne (sérénité oblige
!), au studio du manoir, à Dax. Grosse pression, pourtant, pour
cet album. Le début des prises de son a été repoussé, et les
interviews qui étaient prévues ont été réalisées aux dates
prévues, pendant la confection de l'album. Pour ne rien
arranger, le mixage et l'enregistrement n'ont pas fait l'objet
d'un traitement séparé. Certains morceaux étaient donc à
mixer, d'autres à enregistrer, et d'autres à terminer…Le
ton de l'album est cependant plus calme et plus nuancé que celui
de Tostaky, tout en gardant une grande vitalité. Les premières
chansons composées sont celles de la fin du CD, les plus douces,
à l'ambiance intimiste ("A la longue", "Septembre
en attendant" et "SONG FOR J.L.P"). Puis sont
venues des compositions plus dures et plus électriques. L'ordre
des titres, qui n'a donc rien de chronologique, a été
déterminé par le producteur, Ted Niceley. Les thèmes abordés,
les mots et les notes arrivent - comme toujours chez les
Bordelais - spontanément, sans réflexion préalable. Certes le
refrain de "L'homme pressé" était en attente depuis
longtemps. Mais les autres titres, "Les Persiennes" en
particulier, ne se décident pas à l'avance. L'album part sur
les mêmes bases que Tostaky (plus de 300 000 exemplaires déjà
vendus, et 700 000 au début de l'année 1998).Noir Désir n'aime
pas du tous les médias. Cette méfiance vis-à-vis des médias
en tout genre et de la TV en particulier, remonte aux origines du
groupe. Ainsi, lors de la sortie de leur deuxième album, il
refuse toute apparition à la télévision, préférant la scène
à la promotion. D'ailleurs, ceux qui espèrent voir un jour
passer leur groupe préféré dans des émissions de variétés
type "nul par ailleurs" peuvent encore patienter ! On
les a bien vus au journal de 20 H de France 2 ou au Vrai journal
de Canal plus, ou encore dans quelques émissions spécialisées
sur la musique, mais il ne s'agit que d'exceptions à la
règle.La règle ? L'abstinence de télévision, aussi bien comme
téléspectateurs (les émissions sont sans intérêt) que comme
musiciens. C'est ainsi que, nominés (puis récompensés par deux
prix, celui du meilleur groupe et celui de la meilleure chanson
pour "un homme pressé" - allez comprendre !) aux
victoires de la musique, ils refusent d'y participer. En fait ils
mettent en pratique ce qu'ils prêchent dans les textes rageurs
de chansons comme "L'homme pressé".cette remise de
récompense oblige donc le groupe à prendre une position commune
alors même qu'il est de nouveau off, sans la moindre perspective
commune annoncée.
1998/1999/2000
La sortie d'un
album de remixes, la participation à un disque en forme
d'hommage à Brel, et la parution d'un livre entièrement
consacré au groupe mettent eux aussi sur le devant de la scène
un groupe dont la survie paraît cependant incertaine pendant de
longs mois.Puis au mois de novembre 1999, coup de tonnerre dans
le paysage du rock français: Noir Désir prépare un nouvel
album ! Exilés au Maroc, ils mettent les choses à plat et
jettent sur le papier les premières pistes d'un nouvel album
audio...Fin 1999/Début 2000, Noir Désir multiplie les
participations : ils jouent avec Bashung, Les Têtes raides ou
encore Yahn Tiersen. Ils multiplient les concerts, aussi.Quoi
qu'il en soit, et quoi qu'il arrive le bilan de Noir Désir est
important: 16 ans. 2 130 000 albums vendus. Sans commentaires.
Cette
biographie est librement inspirée de l'article paru dans les
Inrockuptibles en 1996.

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